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Bouteille à la mer – « Alter » (OVNI 435) sur le Canal de Panama

4 février 2011

Vue d’ « Alter » – OVNI 435

le 02/02/2011

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Bonjour à tous,
Voilà, c’est fait! Nous l’avons longtemps rêvé, beaucoup désiré, un peu craint mais c’est devenu réalité: Le Canal de Panama a été franchi par Alter les 22 & 23 janvier. Il flotte actuellement et se dandine dans les eaux du Pacifique de façon fort satisfaisante.
Nous avons quitté l’ouest du Panama, Bocas del Toro le 02 Janvier pour rejoindre la grande rade du port de Colon, entrée du Canal, côté Caraïbes. Traversée de 28h rendue pénible par des conditions de mer inconfortables rendant le bateau très rouleur et par là même une partie de l’équipage « fatiguée ». A l’arrivée, plus de 200 navires présents dans la zone, visibles et identifiables sur notre écran de contrôle nous incitent à la prudence et à une pratique effrénée du slalom.
Et nous voici à nouveau le long des pontons d’une marina, Shelter Bay Marina, à prétention et aux tarifs « International Class ».
Mercredi 5/01 est le grand jour. Comme chaque fois avec une grande appréhension nous voyons Alter suspendu au bout de sangles et installé dans un coin de parking en vue du grand nettoyage annuel de sa coque. La marina et son chantier n’ayant d’International Class que les prétentions c’est Patrice qui préside au calage du bateau et à sa sécurisation.

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Le nettoyage de la coque confirme qu’une attaque de corrosion assez importante s’est développé au détriment du safran: de belles crevasses dans l’aluminium, des pertes de substance, une partie de la peinture cloquée… 8 jours de boulot pour décaper, repeindre l’aluminium à vif; peindre 3 couches de peinture anti-salissure; décaper et polir l’hélice, changer les anodes…. Le tout avec une météo peu favorable à savoir pluvieuse.
Tout beau, tout propre Alter retrouve son élément le 12/01 pour aller rejoindre ses congénères le long des pontons de la marina.
Nous passons 10 jours dans le « ghetto » pour yachtmen affairés, débordés, déprimés ou enthousiastes à régler différentes questions: trouver du gaz, facile au Panama mais plus compliqué de trouver le bon interlocuteur capable et acceptant de remplir des bouteilles européennes; acheter par exemple des boites en plastique permettant de stocker les pâtes, riz, farines et céréales en tout genre en espérant ainsi contenir les inévitables charançons qui les peuplent; se ruer sur le fournisseur de spiritueux capable de nous dénicher quelques bouteilles de Pastis; remplir les moindres équipets ou dessous de plancher de conserves, condiments, céréales, confitures…. sans oublier les cacahouètes pour l’apéro.
En effet, chers lecteurs, contrairement à ce que chacun pense, la Terre n’est pas ronde mais plutôt cubique. Nous sommes ici au Panama sur une arête du cube et devant nous s’ouvre un vide insondable de milliers de km sans aucun véritable lieu pour la pratique du culte dominant de notre époque: la Consommation. D’ici à Tahiti (8500km) plus un seul supermarché, pas un seul vendeur de vis, boulon ou autre accessoire pour nos exigeants bateaux, plus un litre de gasoil à mettre dans les réservoirs (comment tenir la « moyenne » si on n’a pas 400 l de gasoil sur le pont en jerrycans en plus des réservoirs pleins).
J’ironise car la caricature surgit rapidement dans ce petit monde fermé des quinquas-sexagénaires voyageant à la voile habitués à leur douillet confort bourgeois et prêts à tous les excès ou extravagances pour le conserver. On veut bien se la jouer aventuriers découvreurs mais en restant dans les chemins balisés, l’électricité et l’eau douce à gogo à bord, congélateur et parfois même clim et machine à laver. Alors bien sûr une certaine angoisse étreint les âmes à l’idée de traverser tant d’eau sans avoir sous la main le moindre réparateur ni fournisseur, la plus petite boutique où faire son shopping.
Nous nous joignons donc à la cohorte des yachtmen pour envahir les rayons du supermarché « Rey » (le Carrefour/Auchan/Casino » panaméen) afin de remplir nos chariots et enfoncer davantage Alter dans l’eau.
Les pleins d’eau et de carburant faits, les droits acquittés (609 dollars pour nous plus 150 de frais annexes), le grand jour du passage du Canal arrive. Alter se retrouve paré de toutes ses défenses (boudins gonflables de protection) plus une dizaine de pneus ajoutés en renfort; sur le pont soigneusement lovées les 4 amarres de 40m chacune qui permettront de s’amarrer dans les écluses; dans le cockpit outre l’équipage se trouvent Janne (suédois désireux d’expérimenter le passage avant de le faire avec son propre bateau) et un couple danois Lene et Henrik (qui viennent d’arriver d’Europe au Panama en passant par le Horn, Hawaï et l’Alaska; pas des rigolos ceux-là, qui veulent expérimenter le passage du Canal avant de repartir vers la Polynésie). En effet l’équipage doit obligatoirement être composé de 5 personnes (1 à la barre et 4 aux amarres), plus le « pilote » ou plus exactement le »conseiller » de l’autorité du Canal qui sera présent à bord pendant toute la durée du transit.

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Le Canal n’ a que partiellement été creusé; en fait un barrage a été construit sur le rio Chagres, inondant une partie de l’isthme, créant un lac artificiel navigable entre les terres restées emergées; le reste étant été véritablement creusé por rejoindre le Pacifique. Le passage se fait sur 2 jours: l’après-midi nous franchissons en montant les 3 premières écluses afin de rejoindre le lac de Gatun où nous passons la nuit amarrés à une bouée; puis le lendemain à partir de 6h du matin c’est la traversée du lac , le parcours d’une portion de canal véritablement creusé et enfin la « descente » des 3 écluses de San Pedro et Miraflores pour rejoindre le Pacifique.

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Pour ne rien vous cacher, la tête emplie d’images de coques enfoncées, de mats rompus, de balcons arrachés glanées au fil des lectures de récits de passage désastreux du Canal, le « capitaine » flippe à la perspective de passer ces fameuses écluses où il faut parfois approcher les murailles agressives des bordés des cargos, résister aux tourbillons violents occasionnés par le remplissage des bassins, ne pas se laisser repousser contre le murs en béton …..La semaine précédente un voilier est revenu au port balcon replié, étai et enrouleur de génois rompus suite à une mauvaise manoeuvre de l’équipage. En fait tout se passe bien; nous montons les écluses en compagnie d’un autre voilier français derrière un énorme cargo et les descendrons à couple de 2 autres voiliers français et derrière 2 petits bateaux de transports de touristes . Passage tranquille, avec un beau soleil; une vrai balade de santé avec même au passage la rencontre de crocodiles qui traquent les baigneurs imprudents.

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N’oublions pas que le canal c’est aussi. La construction d’une voie de chemin de fer à travers l’isthme au moment de la ruée vers l’or de Californie (1848) et l’arrivée de milliers de desesperados armés de pelles, pioches et flingues; pour l’occasion 40% des travailleurs venus d’Europe et d’Asie ne résistent pas aux conditions de travail et aux maladies (fièvre jaune, choléra, paludisme), mais la Panama Railroad Co fait fortune. Puis vient l’idée du creusement d’un canal avec un premier projet de canal sans écluse porté par De Lesseps (celui du canal de Suez) vers 1879. Etudes bâclées; scandale politico-financier en France; 20000 morts parmi les ouvriers, techniciens et ingénieurs; arrêt des travaux; émeutes à Colon et la région qui sombre dans le chaos. Guerre civile dite des »mille jours » entre conservateurs (représentant des grands propriétaires terriens) et libéraux ( bourgeoisie commerçante aux intérêts liées au percement d’un canal) associés pour l’occasion aux indigènes et paysans pauvres. Les USA en profitent pour entrer dans le jeu, apaiser les conflits, obtenir la concession du Canal et permettre la liquidation des meneurs paysans et indigènes. C’est la naissance d’un état panaméen en novembre 1903 (jusqu’alors province plus ou moins autonome de la Colombie à la suite de l’indépendance de l’Espagne en 1821), sous tutelle et étroit contrôle américain. Les USA ont main mise sur une partie du territoire et le contrôle absolu sur la zone du futur Canal. Ils en profitent pour construire bases militaires, centre d’entrainement « anti-guerrilla » d’où ils pourront envoyer leurs barbouzes en amérique centrale et du sud dans les décennies suivantes avec les méfaits que l’on connait. Le creusement du Canal, à écluses cette fois, est donc repris, terminé en 1914 au prix de durs travaux, de morts, du déplacement de 50000 personnes, de la destruction de centaines de villages. Ceci associé au travail d' »esclaves  » chinois ou indiens nous permet de payer peu cher en Europe nos tee-shirts ou notre électronique (le coût du transport maritime entre autres grâce au Canal étant dérisoire); cela permet aussi aux yachtmen vieillissants d’éviter le Horn pour se rendre pour le Pacifique. Elle est pas belle la vie!!! Enfin pour en finir avec le Canal, celui ci est passé sous contrôle panaméen à la toute fin de 1999 (mais je vous rassure l’oeil de l’oncle Sam veille) et les travaux de doublement des écluses (pour faire face à la demande sans cesse croissante de passage) vont bon train avec l’espoir local d’une inauguration en 2015 pour le centenaire du Canal. Nous pourrons en toute quiétude continuer à consommer en Europe des produits ayant fait le tour de la terre alors qu’il serait plus simple de les produire sur place.

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Nous voici donc dans la rade de Panama City (capitale du Pays) au milieu de quelques 50 voiliers dont certains plus ou moins à l’abandon comme si le passage du Canal avait épuisé les dernières forces de leurs équipages ou leurs dernières ressources. La grande ville animée, bruyante constituée de grande voies rapides au milieu d’immeubles « gratte-ciel » sans véritable centre historique, sans petits coins sympa où flâner ne nous incite pas à prendre racine.
Etant plus que prêts nous devrions quitter la rade avant la fin de la semaine.

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L’étape suivante est l’archipel des Galapagos (état équatorien) situé à quelques 900 M d’ici, une semaine à 10 jours de navigation car les vents sont peu favorables et surtout il faut traverser la « zone de convergence inter tropicale » (équivalent du Pot au Noir en atlantique), zone avec généralement pas ou peu de vent, des perturbations orageuses…. Auparavant nous allons faire escale pendant 15-20 jours dans l’archipel des « Perlas » (35 M d’ici) pour profiter à nouveau de la baignade, de la pêche, de la vue des coraux.. en espérant que ces îles mériteront leur nom.
Nous projetons d’arriver aux Galapagos début mars afin d’essayer de profiter au maximum des 20 jours de stationnement en général octroyés aux voiliers de passage; nous essayerons d’y retrouver les traces de ce mécréant de Darwin.
La bise à tous. Hasta luego.P/J
Las Brisas de Amador. Panama City.

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