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Bouteille à la mer – « Alter » (OVNI 435) au Vénézuela

1 janvier 2010

Récit de voyage :

Vue d’ « Alter » – OVNI 435

10°22’38 » N – 61°20’23 » O

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Salut à tous,
Il est temps pour le scribe de se remettre à sa copie non pas à la lueur d’une chandelle mais sous le soleil des tropiques toujours aussi violent même si parfois voilé ces derniers jours par les passages nuageux et les grains accompagnant la reprise de l’alizé en fin de saison cyclonique. Nous voici déjà mi -décembre, pendant que vous viviez les affres d’un automne pluvieux ou venteux, alors que vous vous prépariez à affronter les assauts de l’hiver avec son cortège de grisaille, de froid mistral voire de neige sous la terrible menace du dernier fléau en date, « La Grippe », Alter poursuivait son chemin par 11° de latitude Nord sous le soleil tropical vénézuélien pour atteindre son escale actuelle Curaçao.
La grippe est donc là; il ne sortira pas grand chose du sommet de Copenhague pour l’avenir de notre planète; vous venez de finir de payer vos impôts; les « fêtes » (des marchands) de Noël se profilent à l’horizon avec leur cortège de conventions et d’obligations… Bref votre moral n’est pas à son meilleur niveau, il est donc grand temps de vous envoyer quelques rayons de ce soleil, quelques gouttes de cette eau de baignade à 28°C, quelques images de ces lagons de carte postale qui ont été notre quotidien depuis octobre.

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Partis le 20/10 de Tobago l’alizé nous mène en 24 heures de navigation tranquille aux Testigos, premier archipel Vénézuelien sur notre route; quelques pêcheurs y vivent pour certains à l’année mais pour la plupart seulement quelques mois par an. Nous arrivons peu avant l’ouverture de la saison de la pêche à la langouste (1/11); c’est l’effervescence sur tout le rivage, toutes les mains disponibles s’affairant à la fabrication des casiers destinés à capturer les fameux crustacés.

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Dure vie que celle de ces pêcheurs que nous rencontrerons au cours de notre navigation dans les îles du Vénézuela: grande pauvreté, vie isolée sur des îles désertes loin de leurs familles, vivant dans de sommaires abris sans autre eau que celle de la pluie récupérée, sans électricité si ce n’est celle de petits groupes électrogènes, levés et couchés avec le soleil, naviguant sur de petites « lanchas » propulsés de modestes moteurs hors-bord sur une mer pas toujours facile sans GPS ni radio et se lançant dans des traversées de plusieurs dizaines de milles pour rejoindre le continent, toujours à la recherche de cigarettes ou d’alcool à échanger contre du poisson.
Une journée de navigation et nous voici à Margarita, la plus grande des îles vénézueliennes; point de passage obligé pour « faire les papiers » (effectuer les formalités d’entrée ou de sortie du pays); « faire les papiers » consiste dans la majorité des cas à se rendre en premier lieu chez les douaniers: il faut présenter le document de sortie du pays précédent, passeports de l’équipage et papiers du bateau, remplir des formulaires reprenant le contenu des dits documents, payer parfois des taxes , revenir car le responsable n’est pas là; en échange on obtient la « clearance d’entrée » ou Zarpe en espagnol avec laquelle il faut se rendre à l’immigration, puis aux autorités du port qui la plupart du temps sont dans d’autres lieux de la ville…………Je sens que je lasse quelque peu;  » faire les papiers » est en effet très, très chiant la plupart du temps mais c’est une activité qui prend beaucoup de temps, d’énergie, parfois d’argent, meuble les conversations entre globe-flotteurs avec échange d’infos ou de combines. Au Vénézuela l’affaire se complique du fait qu’il faut faire des formalités pour entrer et sortir du pays mais également pour changer de région à l’intérieur du pays.
Vu de la mer Porlamar (capitale de l’île) ressemble à certaines villes de la Costa Brava espagnole: plage de sable blanc sur fond d’immeubles en béton avec parfums de vacances genre: boutiques détaxées, alcool à gogo, frimeurs en jet-ski et machos sud américains provocateurs et arrogants. L’argent ici ne se récupère surtout pas dans les banques mais se change dans les magasins ou dans la rue à un taux 2,5 fois plus élevé. Comme partout de gigantesques centre commerciaux stéréotypés entourent l’agglomération, un centre ville vivant, bruyant , dans les gaz d’échappement (l’essence coûte ici moins de 2 centimes d’euro le litre) de véhicules antédiluviens, avec ses vendeurs de rue, ses pickpockets, ses boutiques où on peut trouver côte à côte chaine hifi, casseroles et tissus….Contraste avec le centre de l’île aux vieilles villes coloniales endormies comme Asuncion ou Santa Ana au charme désuet mais tellement reposant.
Je ne peux vous parler du Vénézuela sans aborder la question Hugo Chavez, « el Presidente » ou plus précisément « el Commandante » pour ses partisans et leur expérience de « révolution socialiste bolivarienne » dernier avatar des expériences qui ont jalonné le siècle dernier. Omniprésent dans les médias publiques, il tient régulièrement le micro le dimanche matin pour répondre aux questions (choisies ?) d’auditeurs: parfois grognon, souvent lyrique, de grandes envolées rhétoriques à la bouche mêlant V.Hugo à Proudhon, passant allègrement de la commune de Paris à l' »expérience  » cubaine, des promesses de grands progrès et d’améliorations sociales, soignant sa mise en scène et son image de « libertador »avec ses références incessantes à S.Bolivar (grand combattant et militant de l’indépendance et de l’unification sud-américaine au 19ème) . Il se révèle parfois conforme à l’image (bouffon, loufoque et imprévisible) donnée de lui par nos médias français mais cela ne doit pas cacher la bataille politique entre son camp (objectivement celui des pauvres, des sans-terre, des déshérites de toutes sortes) et celui de ses adversaires, la popularité dont il jouit, la ferveur de ses partisans, l’amélioration du niveau de vie (éducation, santé, retraites, salaire minimum…) des plus pauvres. L’enjeu semble être une réelle transformation sociale , bien fragile portée par des partisans enthousiastes mais sans oublier qu’à sa tête se trouve un officier putschiste et sans réelle opposition politique structurée.
Après Margarita nous sommes passés par la plupart des îles du large du Vénézuela: Blanquilla, Tortuga, Los Roques, Las Aves. Le plus souvent désertiques, arides, parfois temporairement habitées par des pêcheurs, couvertes d’une maigre végétation le plus souvent constituées de mangroves , elles sont le paradis des oiseaux marins qui y vivent ou viennent s’y reproduire; les fonds de coraux souvent superbes regorgent de poissons, véritables plaisirs des yeux et des papilles;

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quelques ballades à terre nous font découvrir iguanes, ânes sauvages comme à Blanquilla, partout des cactus et des variétés d’acacias; ce furent quelques semaines de vie de Robinson pour nous, fort agréables, reposantes et riches en sensations.

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Contraste avec le retour à la modernité en rejoignant les Antilles Hollandaises Bonaire et Curaçao. Beaucoup de réglementations et de contraintes pour nous en bateau; la plus importante est l’impossibilité de mouiller à notre guise: à Bonaire la seule possibilité autorisée est de s’accrocher à une bouée devant la ville de Kralendjik sans pouvoir se déplacer dans l’île; à Curaçao il faut demander une autorisation chaque fois qu’on désire se déplacer d’un endroit à un autre avec le bateau (chaque fois des heures de bus pour se rendre au bureau ad hoc en ville) autant dire qu’on ne bouge pas de l’immense baie où sont parqués tous les bateaux de passage. La capitale de Curaçao, Willemstad, dont les vieux quartiers sont un véritable morceau de hollande transposé sous les tropiques, est en partie construite autour d’une gigantesque raffinerie de pétrole et la zone industrielle et portuaire inhérents. Il faut ajouter à cela la présence continuelle de gigantesque paquebots de croisière (3 présents en même temps ce jour) déversant leurs milliers de passagers en socquettes blanches, bermuda et appareils photos dans les rues de la ville; en outre en ce qui nous concerne des difficultés de transport et de logistique dues notamment à l’éparpillement géographique et l’éloignement des services utiles (supermarché, laverie, gaz, shipchandler …). Même après une ballade tout autour de l’île quasi désertique (cactus et acacias) nous ne garderons pas un souvenir ébloui de cette escale. Enfin la réparation tant attendu de notre radar défaillant ne se fera pas pour cause de tarifs plus que prohibitifs du technicien local (1000 dollars US de réparation pour une antenne qu’on trouve moins cher à l’achat neuf sur internet). Nous nous en passerons, après tout Christophe Colomb est bien venu par ici sans radar ni GPS.
Nous quitterons donc ce weekend Curaçao pour Cuba; longue traversée (700 milles), pas forcément de tout repos si la météo ne joue pas le jeu. Déjà averties de notre arrivée les langoustes se terrent dans leur trou; les salséros fourbissent leur instruments et les tonneaux de rhum sont mises en perce pour fêter l’arrivée d’Alter au pays de cette vieille canaille de Fidel. Plus que jamais: « Hasta la victoria Siempre ».
Hasta luego amigos. La Bise.
Curaçao le 17/12/09
J/P