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Bouteille à la mer – « Alter » (OVNI 435) à Cuba

20 mai 2010

Vue d’ « Alter » – OVNI 435

17°29,5 N / 88°10,5 W – le 25/04/2010

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Salut à tous,
Voici bien longtemps (4 mois) qu’Alter et son équipage n’ont pas donné de leurs nouvelles alors qu’ ils étaient en partance pour une virée de l’autre coté du rideau si ce n’est de fer en tout cas de cannes à sucre dans un pays pas très fréquenté par les boat people de luxe que nous sommes. Cette longue disparition n’a pas eu l’air d’émouvoir beaucoup de nos chers lecteurs car on ne peut pas dire que la boite mél a été submergée d’interrogations.
Voilà c’est fait! Un petit reproche à nos chers terriens pour commencer et tout va mieux pour la suite.
Partis de Curaçao le 20/12, nous avons fait un beau début de traversée avec 3 journées à plus de 160 M chacune (merci le courant qui entre en force dans la mer des Caraïbes depuis les côtes américaines du sud); et ce n’est pas à vous fidèles lecteurs que je vais expliquer que cela fait presque 7 N de moyenne sur plusieurs jours, ce qui pour notre fier vaisseau est assez exceptionnel (c’est fini, vous êtes maintenant en 3ème année, on n’explique plus ce que sont des Milles et des Noeuds, révisez vos VudAlter précédents si vous êtes perdus). La fin du parcours sera moins, beaucoup moins performante, avec coup de vent de face dans le passage entre Jamaïque et Haïti: vents forts, mer verticale se fracassant sur le bateau, pluie, orages.. et défilé incessant de cargos autour de nous. Bilan: 24 heures de galère, une voile déchirée et capote arrachée. Le comble est qu’il a fallu parcourir les 10 dernières heures du trajet au moteur sans vent. Nous sommes donc arrivés au pays de Fidel le 24/12 à Santiago de Cuba juste à temps pour assister à la messe de minuit (Ah, Ah, Ah!).
Et puisque c’est le pays de Fidel, grand bureaucrate s’il en est, le comité d’accueil était là sur le quai à nous attendre de pied ferme ; pas moins de 8 services différents: immigration, douanes et leur chien, guardia frontera, autorité portuaire, service vétérinaire, service de santé, service d’hygiène, service « anti-moustiques » (1mec dont le seul boulot a été de chercher si nous avions des moustiques avec comme instrument une lampe torche). Quelques heures de formalités corsées par le délire du chien des douanes (charmant(e) cocker nommée Tonia) qui, confondant odeur de colle pour annexe gonflable PVC et celle de je ne sais quelle came, marqua par son agitation hystérique (normale c’était une fille; blague facile à l’intention de nos lecteurs les plus machos, pas besoin de les nommer ils se reconnaitront) la présence supposée à bord, autour du lieu où était entreposée notre annexe gonflable, d’une substance illicite. Comme vous pouvez l’imaginer, une ambiance tendue et pour le moins suspicieuse régna pendant un bon moment. Quelques heures et pas loin d’une centaine d’euros plus tard nous obtînmes nos visas et le précieux « Despacho » (permis de croisière dans les eaux cubaines), valables 30 jours renouvelables (contre finances encore et toujours, il faut faire entrer des devises dans le pays de la Revolution) 30 jours de plus.
Santiago donc, où nous passâmes une petite quinzaine retrouvant avec plaisir et délice Casa de la Trova, Casa de la Musica, Casa Artex, patio de los Abuelos, les domingos de la Rumba dans la Casa del Caribe…. autant de lieux où Son, Salsa, Rumba, Charanga…se font entendre sur des rythmes variés, permettant aux corps de se mêler et de s’abandonner tandis que Havana Club, Mojitos et autres Crystal coulent à flot embrumant les esprits, désinhibant les plus coincés et permettant mille et une fantaisies. Santiago c’est aussi sa célèbre « Banda Municipale », grand orchestre municipal donnant concerts chaque semaine (tous les 2-3 jours pour la fin d’année) sur la place Cespedes mêlant touristes et « santiaguerains dans un même enthousiasme.

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Santiago ce fut aussi pour nous la course ( la galère) à l’approvisionnement: des heures de queue pour quelques fruits, des légumes ou un peu de fromage, des km à pied pour trouver quelques oeufs ou du pain (et souvent ne pas les trouver)… Nous y apprîmes aussi l’art de faire la queue (La Cola) avec le mot magique, « Ultimo », prononcé sur le ton interrogatif par le dernier arrivé afin de se situer dans la dite queue; nous passâmes de longs très longs moments à attendre un bus qui parfois sans raison apparente ne vient jamais, nous expérimentâmes la moto taxi ( pour les connaisseurs des MZ), les taxis « particulares » (vielles, très vieilles peugeot 404 ou Lada d’un autre siècle appartenant à des particuliers les utilisant pour gagner leur vie) et bien évidemment utilisâmes le mode de transport le plus utilisé et le plus répandu à Cuba : la marche.
Après Santiago, ce furent, courant janvier les « Jardins de la Reine », multitude de cayes, îles, récifs s’étendant sur près de 300km le long de la côte sud de Cuba: du sable, des coraux, de la mangrove à perte de vue; des lieux quasi déserts si ce n’est la présence de quelques stations de pêche perdues au milieu de nulle part et de leurs rares bateaux sillonnant la région. Cette zone qui fait en général les délices des voiliers de croisière ne nous dévoila guère ses charmes en raison d’un mois de janvier particulièrement froid (oui, oui! Il ne faisait que 17-18°C le soir dans le bateau, et l’eau de mer descendue à 20°C), agrémenté tous les 3-4 jours d’un coup de vent de nord apportant toujours plus de fraîcheur et d’inconfort.

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Arrivés le 15/01 à Cienfuegos grande ville de Cuba à 250 km de la Havane toujours sur la côte sud pour retrouver Claudie, soeur de Jacqueline, venue passer une petite quinzaine en notre compagnie, nous fûmes accueillis par une version allégée du comité d’accueil avec malgré tout montée à bord des officiels et fouille du bateau (ce qui avait déjà été fait à l’arrivée et au départ de Santiago, et au cours d’une escale intermédiaire à Cabo Cruz).

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Nous y apprîmes ou plus précisément prîmes conscience des restrictions imposées à notre liberté de circuler en bateau cette année à Cuba. Pour faire bref il n’était possible, en ce début d’année 2010, de ne faire escale et de descendre à terre que dans un nombre très restreint de ports ou de lieux (9 en tout et pour tout, dont 3 dans un rayon de 50M et 2 autres étant des lieux complètement déserts à l’exception des autorités et d’un hôtel); limitant de ce fait de façon drastique notre possibilité de visite de Cuba en dehors des sentiers battus et notre désir de rencontres autres que celles du douanier ou du chauffeur de taxi du coin.
Nous décidâmes donc de jeter l’éponge, avec pas mal de déception, et de renoncer à notre projet initial de passer 4 mois à Cuba (au prix d’un détour par les îles Cayman pour pouvoir renouveler les visas 2 mois de plus) et donc de quitter le pays au terme de nos 2 mois de visa.
Cienfuegos, charmante ville, beaucoup moins touristique que sa célèbre voisine Trinidad fut pour nous l’occasion de rayonner dans une partie du pays à l’aide de voitures de location.

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Visite de Trinidad ( vieille ville coloniale en cours de difficile rénovation pour cause de pénuries) devenue un écrin vide pour touristes pressés et consommateurs; visite également de SantaClara célèbre pour son « Monumento Ernesto Che Guevara ».

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Petit rappel historique de base pour révolutionnaire tout autant de base: en septembre 58 Guevara à la tête de la 2eme colonne rebelle s’empare de Santa Clara capitale de la région et du train blindé envoyé en renfort par Batista ( le dictateur du moment) qui prendra le chemin de l’exil peu après. A la suite de cet exploit, le 2 janvier 59 Guevara et les Barbudos entrent dans La Havane. A Santa Clara fut donc édifié dans le plus pur style stalinien un gigantesque mausolée à la gloire du Che, avec grande statue du héros, citations gravées dans la pierre (en particulier celles favorables à Fidel) et depuis qu’elles ont été rendues par la Bolivie les cendres du grand homme ainsi que celles d’un certain nombre de ses compagnons d’armes assassinés tout comme lui avec la complicité et sous l’autorité des américains en 67.
Ce fut l’occasion également de partir en vadrouille dans l’ouest de Cuba dans la province de Pinar del Rio, grand lieu s’il en est de production du tabac qui sert à la fabrication des fameux Corona, julieta, Montecristo ou autres Cohiba. Belle région vallonnée, boisée, très verdoyante en cette période de maturité du tabac. Nous tombâmes sous le charme de la campagne entourant Vinales formée de vallées verdoyantes séparées par des curiosités géologiques, les Mogotes petites collines en forme de meule de paille.

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Nous passâmes également du bon temps dans les îles entre Cayo Largo et l’île de la Juventud situées au large de la côte sud-ouest de Cuba, partageant notre temps entre farniente, snorkeling (palmes, masque et tuba pour exploration aquatique: il y a des moments où l’anglicisme est quand même beaucoup plus pratique) et bien évidemment le capitaine-chasseur ne manqua pas de nourrir à outrance son équipage de langoustes et autres mérous.

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La décision ayant été prise de ne pas revenir au delà des 60 jours autorisés, Jacqueline rentra, mi février, en France dans un superbe Ilyushin de Cubana de Aviacion pendant que Patrice et Alter se la coulèrent douce quelques temps encore dans les îles avant de rejoindre Cancun au Mexique afin d’y attendre le retour à bord de Jacqueline le 21 mars.

Un VudAlter ne serait pas complet sans quelques petits commentaires très subjectifs et parfois provocateurs du scribe surtout au sortir d’un Cuba au régime politique, au système économique tant controversés et critiqués.

Cuba est très certainement une destination de rêve pour tout(e) amateur(trice) de sea sex and sun agrémentés d’un peu de culture (un passé colonial ayant laissé de belles traces architecturales et une musique riche). La vie n’y est pas très coûteuse pour nous européens surtout si l’on comprend les filières de vente et de distribution. Les paysages sont variés, les plages et les fonds marins souvent superbes; la campagne offre parfois de merveilleuses visions comme dans les montagnes de l’Oriente ou les plaines de Vinales; la musique omniprésente, le rhum et les cigares fameux, la langouste abondante, les jeunes gens et jeunes femmes quelques fois très beaux (Cuba est une grande destination de tourisme sexuel facile et peu coûteux pour vieux ou jeunes libidineux en quête d’aventures faciles). Il y a probablement d’autres éléments plus ou moins clichés que j’oublie et dont chacun peu établir la liste à son gré.

Mais Cuba n’est bien évidemment pas que cela, c’est avant tout pour nous un peuple, des gens accueillants, affables, souvent souriants, sympathiques, fiers de leur pays, de son histoire, de leur résistance face au géant américain. Contrairement aux idées reçues, il semble très facile d’échanger avec les uns et les autres et pas seulement pour entendre un discours convenu ou langue de bois.
Cuba c’est aussi l ’embargo international initié par les USA depuis près de 50 ans et dont les effets dramatiques sur toute une population (et pas forcément sur le régime qui l’utilise politiquement) se font cruellement sentir surtout depuis la fin de l’aide économique soviétique après la chute du « mur ». Le manque de carburant, de pièces détachées et donc de moyens de transport marquent cruellement la vie quotidienne des gens. Il suffit de parcourir les rues ou les routes du pays pour s’en rendre compte: partout des files interminables de gens attendant des bus antédiluviens à la fréquence aléatoire, marchant ou tentant un auto-stop improbable tant les véhicules sont rares et déjà surchargés , la carriole à cheval ou le cheval lui-même ayant partout repris du service.

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L’embargo ce sont également les terres en jachère par manque d’engrais, de machines agricoles, c’est le retour au travail manuel dans les champs ou à l’aide d’animaux et donc une baisse de la productivité et donc des revenus. L’embargo se traduit par la rareté chronique de tous les produits de transformation: impossible par exemple de trouver un morceau de bois contre-plaqué à Cienfuegos (150000habitants), une prise électrique devient un produit rare payable en devises. Tout cela rendant la vie si difficile à toute une population sans remettre en cause le régime politique qu’un seul mot peut qualifier cela: Injuste!

Cuba c’est aussi un état policier omniprésent, quelque peu paranoïaque et fort peu démocratique sans être forcément la dictature féroce invoquée par les anti-communistes primaires ou pas ( je sais bien qu’il en est parmi nos lecteurs, là encore, ils se reconnaitront). Des flics, des militaires, des gardiens de toutes sortes, des uniformes verts olive arborant « Ministerio del Interior », on en croise à tous les coins de rue, de route ou de bosquets et là, embargo ou pas, ils semblent bien se porter.
Internet est quasiment inaccessible pour le cubain (ou le touriste ) moyen tant le prix est élevé et l’accès rare: 5 ordinateurs connectés en accès public pour toute la ville de Cienfuegos, 5€ de l’heure (quand le salaire de base évolue autour de 20€ mensuel) et une vitesse de connexion lilliputienne (jusqu’à 20 minutes pour ouvrir la page d’accueil de la boîte courriel), ordinateur bloqués rendant impossible le téléchargement et stockage d’infos. L’embargo avec les limitations technologiques (notamment peu de lignes téléphoniques internationales) qu’il induit ne suffit pas comme explication , il faut y voir aussi une volonté implacable de censure du régime.
On meurt de grève de la faim dans les prisons cubaines quand on est un opposant cubain, mais pas plus que dans les geôles britanniques (il n’y a pas si longtemps) lorsque Mme Tatcher (probablement saluée par les mêmes qui critiquent le régime cubain aujourd’hui) laissa crever de faim les militants de l’IRA. Ceci n’excusant pas cela bien évidemment.
Paranoïa sécuritaire des officiels lorsqu’ils fouillent et refouillent nos voiliers (à la recherche de clandestins cubains en quête d’échappée), lorsque les cubains sont interdits dans les rares marinas où nous sommes autorisés à entrer.
Tout ceci dit, ce dont se plaint le cubain de la rue n’est pas de l’absence de « libertés » (on pourrait longuement par ailleurs gloser sur les « libertés » du rmiste français dormant dans une HLM délabrée ou dans la rue, sans autre horizon que la misère, le chômage) mais plutôt des restrictions de consommer en tout genre, des difficultés de la vie quotidienne dues aux difficultés économiques du pays.

Cuba c’est aussi la schizophrénie de 2 monnaies qui permettent d’accéder à des produits différents mais parfois aussi aux mêmes mais pour des valeurs différentes. Un peu compliqué à saisir au début mais en s’accrochant on arrive à s’en sortir. Coexistent le peso (« moneda nacional ») et le CUC (peso convertible qui vaut 25 pesos). Le touriste ou le citoyen cubain ayant des dollars ou des € ne peut les changer qu’ en CUC (idem pour un retrait espèces par CB) dans les banques ( 1€ = 1,24 CUC). Puis il y a des casas de cambio (maison de change) où il est possible de changer des CUC en pesos et vice versa. Pourquoi? Comment? diront les lecteurs qui auront suivi jusqu’ici ce long (trop long?) texte. Il faut pour comprendre vous en dire plus sur cette (intéressante voire fascinante à mes yeux) société cubaine.
A Cuba coexiste des entreprises d’état très souvent monopoles d’état, des services publics d’état (école, santé etc) des entreprises d’état mais intégrant partenaires étrangers (donc plus tout à fait d’état), de petites entreprises privée (fermiers propriétaires de leurs terres ou tenanciers par exemple de chambre d’hôtes ou restaurants privés ou bien encore le gus qui trimballe des gens dans sa charrette à cheval faisant office de bus ), des coopératives agricoles….Bref on est loin du tout état . Les salaires excessivement bas (20, 30..50 €/mois) sont payés en pesos. S’ajoute à cela la gratuité ou quasi gratuité des services tel que santé, éducation, transport urbain et bien souvent eau, électricité, téléphone; de même grâce à la ‘Tarjeta » (carte de rationnement) on peut se procurer, dans les magasins ou les marchés d’état, gratuitement ou payables en pesos à pris très bas les produits élémentaires ou alimentaires de la vie quotidienne. Nous n’avons vu ni SDF ni personnes faisant la manche dans ce pays. Les rues sont propres, l’assainissement fonctionne, l’eau est potable… Banal pensez vous mais plutôt rare dans les Caraïbes.
Tout ce qui est hors du domaine de l’élémentaire ou du vital (un peu flou comme critère) va devoir donc être acheté et payé suivant les circonstances en peso ou en CUC. Prenons l’exemple de la nourriture: une fois récupérés les produits avec la Tarjeta , si j’ai besoin de plus de pain je vais à la boutique du coin et après 5 minutes ou 3 heures de queue suivant les cas j’achète un pain subventionné pour 5 pesos; si je n’ai pas le temps d’attendre et/ou j’en ai les moyens, je vais dans le magasin payable en CUC et j’achète un pain pour 1 CUC ( 25 pesos). Autre exemple les légumes: je vais au marché d’état où après un temps souvent considérable de queue je vais pouvoir obtenir des légumes peu variés , de la viande, du poisson pour des prix subventionnés (dérisoires à nos yeux mais pas forcément pour le cubain « de base ») provenant des fermes ou coopératives d’état en général; si je n’ai pas le temps ou si il n’y a rien et si j’ai des revenus supplémentaires je vais au marché qui peut avoir le nom de « libre » ou « noir » suivant l’interlocuteur et j’ai accès à des produits plus nombreux, plus variés et surtout beaucoup plus chers (3 à 10 fois plus) mais toujours payables en pesos. Ces produits sont le surplus de la production des petits paysans propriétaires terriens qu’ils ont le droit de vendre pour leur propre compte le reste étant dû à l’état.
De la même façon pour les vêtements, il y a les magasins où tout se paye en pesos, à prix plus que bas permettant de se vêtir et de se chausser sans trop de difficultés avec le salaires pré-cités. Par contre si on veut des fringues plus fantaisies, plus mode internationale, voire des Adidas (eh, oui même là-bas des files de badauds s’étirent devant les très rares boutiques, toujours d’état, en proposant) il va falloir sortir beaucoup de CUC pour s’en procurer. L’essence se paye en 1 CUC le litre (on calcule vite qu’un salaire mensuel ne permet d’en acheter que 20 l). Pour aller en bus entre 2 villes il y a 2 types de bus celui des touristes ou des cubains « fortunés » payable en CUC (Cienfuegos-LaHavane 250km, 20 CUC, pas si cher que cela me direz vous en comparaison des tarifs SNCF mais plus qu’exorbitant ici), climatisé, rapide et ponctuel et celui des autres payable en pesos dont je vous laisse imaginer l’état. De la même façon on trouve des « supermarchés » (taille superette de France) en CUC où l’on achètera ce qui ne se trouvera pas ailleurs par exemple des conserves, de la bière, des spaghettis italiennes, de la lessive… à des prix européens.
En résumé, à partir du moment où on a un emploi (pas de chômage en principe ou par principe à Cuba), une carte de ravitaillement, il est possible de vivre (parfois pas très bien) de se soigner, s’éduquer, se cultiver (même de réparer et non pas changer sa télé quand elle est en panne) mais certainement pas de s’adonner à l’activité favorite de nos sociétés : consommer. Impossible de voyager, très difficile d’avoir un téléphone portable et surtout l’abonnement qui va avec.
Un des sports favoris pour ne pas dire une des activités principales du cubain de base, surtout citadin, va donc être la chasse au CUC, sésame pour la consommation. Les mieux lotis sont bien sûr ceux en contact avec les touristes. Quand le barman sert 5 punchs facturés en CUC, le prix du 5ème atterrit inévitablement dans sa poche. Le bienheureux possesseur d’une antique Peugeot ou Lada (personne ne peut en principe acheter une voiture neuve en dehors des entreprises d’état) va en faire un taxi « particular » pour touristes ou cubain permettant d’engranger des CUC . Idem pour celui qui a la chance de posséder une maison lui permettant des transformer quelques pièces en chambres d’hôtes par ailleurs fortement taxées par l’état. Une autre grande source d’approvisionnement en CUC est la communauté cubaine exilée notamment aux USA qui envoie de grandes quantités de dollars aux familles restées au pays.
Mais rien n’est figé dans ce pays, tout change, tout évolue. Que de changements entre nos 2 visites espacées de 10 ans. Les cubains que nous avons rencontrés aspirent au changement avant tout économique, mais pas forcément à n’importe quel prix parce qu’ils sont plus éduqués, politisés et instruits des catastrophes sociales ayant accompagné les changements de système économiques et politiques des ex pays de l’est ou des centaines de millions de laissés pour compte du « miracle » économique chinois. La rupture de leur isolement avec les changements politiques, économiques et sociaux survenus dans des pays « amis » et proches tels que Vénézuela, Bolivie, Brésil leur redonne espoir, des coopérations s’établissant entre ces divers pays. Enfin malgré la nature haïssable de ce régime politique, malgré l’absence de démocratie et après un long périple dans les Caraïbes, Cuba est certainement le pays de cette région où l’accès à la santé, l’éducation, la culture est le plus développé; nous n’y avons pas trouvé les traces de grandes disproportions de revenus comme c’est partout visible ailleurs (peut-être avons nous mal vu). Bien évidemment, des inégalités existent entre celui qui a trouvé la faille ou le créneau dans le système pour faire fructifier son petit job en CUC et les autres; entre le bureaucrate responsable de la coopérative qui s’est arrogé le 4×4 de la ferme collective pour se balader en ville le samedi soir avec madame et l’ouvrier qui y va à pied ou à cheval. Le mode de production et de propriété ne pousse pas à la productivité à outrance, le système n’a pas trouvé les leviers permettant une amélioration des performances . Les résultats faibles du secteur agricole d’état en comparaison de ceux du secteur privé le prouvent. Cuba me semble être à la croisée des chemins. Mais il va bien falloir se réformer, et si la grande majorité des cubains ne veut pas perdre les acquis sociaux de leur « Révolution » il va bien falloir se réveiller, se mobiliser et repartir au boulot, au combat. Le « Marché » et le libéralisme triomphants sur la planète (et avec quels désastres pour des pans entiers de l’humanité) sont là aux portes de l’île n’attendant qu’un signe, qu ‘un geste pour fondre sur la proie: Cuba est un pays potentiellement riche de ressources minières, en technologie médicale (biotechnologie), en industrie touristique, en agriculture, en potentiel humain…. Déjà Raul (le frère de Fidel), dans un discours récent, a annoncé que l’état ne pourrait, dans un avenir proche, continuer à subventionner tous les produits d’usage ou de consommation courants, ne poursuivant son effort que dans le domaine de la santé et de l’éducation. Il deviendrait alors bien difficile de survivre dans ce pays avec 20€ par mois. Peut-être l’heure est-elle venue pour le peuple cubain de se lancer dans une 2ème révolution ou de rejoindre la cohorte des déshérités des Caraïbes ou de la planète. Facile à dire quand on est yachtman européen installé devant l’ordi dans son bateau mais au combien vrai.
Cuba est un pays intéressant à visiter pour tous les plaisirs et merveilles qu’il a à offrir mais aussi pour son évolution, ses transformations sociales et politiques présentes et à venir, son peuple attachant; visitez le! De grâce oubliez les univers concentrationnaires touristiques de la côte nord genre Varadero et la vision artificielle et éculée qu’ils offrent. Baladez vous dans ce pays, ouvrez les yeux et les oreilles, pratiquez un peu d’espagnol et vous voilà prêts pour de belles découvertes, de merveilleuses rencontres; et, peut-être en reviendrez vous convaincus qu’il serait temps que les cubains finissent le boulot en bottant notamment le postérieur de Castro et de sa clique, n’oubliant pas la maxime du Che proclamant: « Hasta la Victoria Siempre ».
Voici donc quelques réflexions partiales inspirées par notre 2ème séjour à Cuba. Nous sommes actuellement au Belize (à vos atlas) après un séjour relativement court sur les côtes du Yucatan. Autres lieux autre moeurs mais ceci fera l’objet du prochain VudAlter. Tout va bien et nous nous la coulons douce entre récifs, hauts-fonds, coraux, dauphins et autres lamantins. Le beau temps est revenu, l’eau le plus souvent turquoise est chaude très (trop?) chaude.
La bise à tous. Hasta Luego.
J/P.