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Bouteille à la mer – Récit de voyage – février 2016

3 février 2016

Le canal de Beagle

Bonjour à tous, bon dia tots, hi folks,

En ce début d’année nous sommes partis naviguer au sud de la Terre de Feu, entre Argentine et Chili.

La Terre de Feu est cette grande île au sud du continent sud-américain, délimitée au nord par le détroit de Magellan, à l’ouest par l’océan Pacifique, à l’est par l’océan Atlantique et au sud par le Canal de Beagle .

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Le canal de Beagle fut découvert en 1831 par le navire anglais « Beagle » commandé par Fitz Roy et à bord duquel se trouvait le jeune Darwin âgé de 21 ans. Jusqu’à l’ouverture du canal de Panama, il fut une intéressante (mais presque aussi dangereuse) alternative au détroit de Magellan et au contournement du Cap Horn pour relier par mer Pacifique et Atlantique.

Plusieurs tribus indigènes peuplaient la Terre de Feu avant d’être exterminées par les colons dès la fin du XIXème siècle. Il en fut ainsi des Ona dont la dernière représentante est décédée en 1942. Plus au sud il y avait les Yagan (ou Yaghan) ; on en dénombrait 3’000 en 1855 et seulement 200 en 1892 ! Il faut dire que les colons payaient bien: 10 onces d’argent par paire d’oreilles ramenée par les chasseurs d’indigènes ! Sans parler du sport préféré de ces mêmes colons : le « tir au pigeon gelé ». On mettait une famille entière d’indigènes sur un iceberg à faible distance du rivage et on tirait dessus depuis la rive en faisant des paris sur le dernier qui survivrait !

Sur les rives du canal de Beagle, trois villes se disputent le titre d’agglomération la plus au sud du monde : Ushuaia en Argentine et Puerto Williams et Puerto Toro au Chili. Toutes trois ont raison :

– Ushuaia (prononcer Usuaia) est la « ville » la plus au sud : 60’000 habitants et 54º48 sud.

– Puerto Williams est le « village » le plus au sud : 2’000 habitants et 54º56 sud

– Puerto Toro est le « hameau » le plus au sud : 10 familles et 55º04 sud.

C’est là notre zone de navigation sous les hautes latitudes sud : le canal de Beagle avec les glaciers de la cordillère Darwin au nord-ouest, Puerto Toro à l’est et le Cap Horn au sud.

Notre voilier s’appelle « Le Boulard » .

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C’est un quillard en aluminium de 45 pieds, très marin mais qui possède à peine le strict nécessaire en ce qui concerne confort et équipements de navigation. Pour nous il est skippé par Estelle Blet. Estelle est une remarquable skipper professionnelle qui nous a guidés avec beaucoup de compétence, d’amabilité et de charme dans ces parages et ces conditions souvent difficiles. C’est aussi une cuisinière pleine de talent et d’imagination. Merci Estelle ! Et voici l’équipage du Boulard, avec Estelle au premier plan et, de gauche à droite: nous deux, Ralf, Benoît, Robert et Jean-Louis.

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Nous avons embarqué à Ushuaia après avoir passé quelques jours à Buenos Aires où nous avons rencontré les descendants du frère de l’arrière grand-père de Joseph, émigré en Argentine au début du XXème siècle. Ushuaia est une grande ville qui vit surtout du tourisme (croisières et trekking en été, station de ski en hiver) mais aussi d’une petite industrie de montage électronique. Au pied de la cordillère Darwin, elle s’étend tout en longueur autour d’une grande baie sur la rive nord du Beagle .

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Il n’y a pas grand-chose à y voir sinon un pénitencier transformé en musée et la grande rue commerçante… et un bar extraordinaire dont nous vous parlerons une prochaine fois.

La navigation sur le Beagle est un émerveillement de tous les instants du fait des paysages grandioses, des animaux qui le peuplent mais aussi du temps qui change continuellement. Mais attention, il fait froid : entre 5 degrés (presque toujours et encore moins quand on s’approche des glaciers) et 10 degrés (rarement et seulement lorsque le soleil daigne se montrer). Un froid accentué par un vent souvent très violent et presque continuellement de secteur ouest.

Les montagnes descendent directement dans le Beagle tant sur la rive nord que sud. Le paysage est superbe car, bien qu’étant actuellement en plein été austral, il y a encore de la neige .

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On l’a déjà dit, le temps est extrêmement changeant. En quelques minutes on peut passer de conditions aimables (bon vent et quelques rayons de soleil) à un ciel plombé, de la pluie, du brouillard et du vent fort. Voire du vent très fort. Car il y a les vents catabatiques descendant en rafales furieuses des montagnes latérales. C’est ce que l’on appelle des « williwaws ». Ce sont alors des rafales qui soudain, et pendant plusieurs secondes, dépassent le vent établi de plus de 20 nœuds et comme, dans ces conditions le vent établi est souvent de l’ordre de 30-40 nœuds, le bateau se reçoit d’un seul coup une gifle qui peut atteindre 60 nœuds (110 km/h). La mer devient blanche et se met à fumer .

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C’est très impressionnant ! On a intérêt à avoir affalé les voiles à temps et on comprend le nombre important de naufrages qu’il y a eu dans le coin ! Par ailleurs, même sans williwaws, la navigation peut être très humide. Isabelle en sait quelque chose !

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Mais aussi, en peu de temps, le vent peut se calmer, et le retour du soleil couronne le Beagle de merveilleux arc-en-ciel .

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Il y a aussi les petits fjords où nous avons mouillé pour passer la nuit dans des eaux paisibles et des paysages sublimes

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tout en admirant des levers de lune à couper le souffle .

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Darwin avait tout faux ! Non pas pour sa théorie de l’évolution mais pour son jugement des parages du Beagle dont il écrivait « Tristes solitudes où la mort, plus que la vie, semble régner en souveraine ». Rien n’est plus faux ! La vie est partout. La vie végétale avec ces immenses forêts qui descendent jusqu’au canal et les énormes chapelets d’algues, appelés « kelt » qui manquent à tout moment de s’emmêler dans l’hélice du bateau. Mais, par dessus tout, il y a les animaux. Nous vous les présenterons tout au long de ces Bouteillàlamer en commençant par ces drôles de spectateurs en smoking qui nous observent depuis les rives ou les îlots du Beagle : les manchots ou pingouins de Magellan .

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Voilà c’est tout pour cette fois. C’est vers les glaciers que nous nous dirigerons pour la prochaine Bouteille à la mer. Préparez des habits chauds !

Isabelle et Joseph