Bouteille à la mer – Récit de voyage – février 2016
Le Cap Horn
Bonjour à tous, bon dia tots, hi folks,
Short abstract for our english speaking friends : The dream is now alive for us : we crossed Cape Horn ! We sailed from Puerto Williams to Wollaston Islands. In spite of cold, humidity and low clouds, we had good navigation conditions with 20 knots of wind and reasonable waves. To celebrate that, many dolphins went junping around the boat in our way back.
Réaliser un rêve, quoi de plus beau au monde !
En termes de navigation, nous avons eu, et avons toujours, beaucoup de rêves. Des rêves que nous ne réaliserons pas, certains que nous espérons réaliser et d’autres que nous avons déjà réalisés comme, par exemple, traverser l’Atlantique, naviguer sur l’Amazone ou encore s’ancrer devant New York. Mais il y a un rêve suprême que tout navigateur porte en son cœur : passer le Cap Horn.
Bien sûr, il y a bien d’autres caps mythiques, ainsi le Cap Leeuwin au sud–ouest de l’Australie ou le Cap de Bonne Espérance à l’extrême sud de l’Afrique, mais aucun n’a l’aura du Cap Horn. Aucun.
Bien que découvert le 28 janvier 1616 par Willem Cornelisz Schouten qui lui donna le nom de la ville hollandaise de Hoorn, c’est le corsaire anglais Francis Drake qui, en 1578, assura le premier qu’il devait y avoir au sud du continent américain un cap qui séparait les océans Atlantique et Pacifique.
Son nom original de Hoorn devint « Horn » (« corne », en anglais. Allez savoir pourquoi, il n’a rien d’une corne) ou « Hornos » (« fours », en espagnol. Là aussi, allez savoir pourquoi car il n’y règne pas du tout une température de four, tout au contraire !). Bien que mythique, la réputation du Horn n’est pas des meilleures. L’article de Wikipédia résume bien la situation : » Plusieurs facteurs se combinent pour faire du cap Horn l’un des passages les plus dangereux au monde pour la navigation maritime : il est situé près de l’océan Austral, où prévalent de manière générale des conditions difficiles pour la navigation… Les vents dominants aux latitudes situées sous 40° sud peuvent souffler d’ouest en est autour du globe en étant à peine interrompus par les terres… Ces vents sont accélérés au niveau du cap par un effet entonnoir créé par les Andes et la péninsule Antarctique… Ces vents forts donnent naissance à de puissantes vagues, qui peuvent atteindre des proportions gigantesques… ». Ajoutons que c’est aussi le point le plus au sud de tous les continents, sauf, bien sûr, l’Antarctique. C’est vraiment « le bout du monde ».
Pour passer le Cap Horn à la voile, deux possibilités : partir de Nouvelle Zélande et se diriger à l’est vers l’Afrique du Sud ou bien partir de Puerto Williams et faire le tour (d’ouest en est, vents dominants) des archipels Wollaston et Hermite, au bout desquels il se trouve . Après mûres réflexions, c’est cette deuxième solution que nous avons adoptée !
Il faut le dire tout de suite : malgré le froid et un ciel bouché, on a eu des conditions exceptionnelles pour passer le Horn, avec un vent d’ouest d’une vingtaine de nœuds et une houle très manœuvrable. Nous avons quitté Puerto Williams et fait escale à Puerto Toro puis avons mis le cap vers l’archipel des Wollaston. En route, la traversé de la baie de Nassau, qui peut être très désagréable, s’est faite idéalement au grand largue .
L’arrivée sur l’archipel Wollaston est superbe, avec au loin le mont Hyde qui, de son cône volcanique, domine l’archipel de ses 670 m.
Le hasard a fait que c’était Isabelle qui, à l’arrivée sur l’archipel Hermite, allait être de quart pour la partie de la traversée correspondant au passage du Horn. Etre à la barre dans ces conditions nécessite d’être bien protégé et, donc, de s’habiller en Bibendum comme l’a fait Isabelle avant de monter dans le cockpit .
Puis, peu à peu, le Cap Horn est apparu au lointain. Le plafond était bas et les parages sont très mal pavés, c’est à dire que la mer est parsemée de plusieurs ilots affleurant très dangereux . On passe donc bien au large.
Enfin, nous avons eu le Cap Horn sur le travers du voilier .
Disons le tout de suite, ce n’est pas la beauté des lieux qui émeut. Loin de là, le site n’est pas spectaculaire du tout, c’est rude et plutôt triste. Non ce qui émeut à ce moment c’est tout simplement d’être là, de croiser un endroit mythique qui a été le cauchemar des marins pendant des siècles, c’est de naviguer au delà de la terre du bout du monde, c’est de comprendre par tous nos sens que nous étions vraiment dans ce lieu que nous imaginions et que ce moment dont nous rêvions depuis si longtemps était devenu réalité. Le vent qui gonflait les voiles était le vent du Horn. L’humidité qui baignait l’atmosphère était celle du Horn. Le froid qui mordait nos visages était celui du Horn. Et ce petit voilier qui creusait sa route au pied du Cap Horn, comme tant d’autres dont nous avions lu et relu les récits et admiré les images était, cette fois-ci, le nôtre. Et enfin, à la barre de ce voilier il y avait Isabelle. Bien sûr, nous avons sacrifié au rituel de la photo souvenir .
Derrière le cap, il y a une petite crique où, en cas de très beau temps, on peut débarquer, monter au phare et se recueillir au pied du monument commémoratif des cap-horniers représentant un albatros. Pour nous le temps était clément mais pas suffisamment pour pouvoir débarquer alors, ce monument nous l’avons seulement aperçu depuis le bateau, merci au téléobjectif .
Le Horn passé, nous avons mis le cap, pour passer la nuit, vers la caleta Martial, un mouillage abrité dans l’archipel Wollaston à une vingtaine de miles au nord. Et là, à l’arrivée sur le mouillage, comme s’ils voulaient fêter avec nous notre passage du Horn, une troupe de dauphins nous ont accompagnés un bon moment en sautant tout autour du bateau . C’était magique !
Voilà nous sommes maintenant des « cap-horniers ». Selon la tradition marine cela comporte certains privilèges : cracher et pisser contre le vent, porter un anneau d’or à l’oreille droite, dîner avec un pied sur la table et planter un palmier dans son jardin. Nous planterons donc un palmier à notre retour, pour le reste… !
C’est fini pour cette Bouteille à la mer. La prochaine commencera par la visite d’un autre lieu mythique : Le « Micalvi ». Alors…suspense !
Isabelle et Joseph