Bouteille à la mer – Récit de voyage – février 2016
Fin de croisière
Bonjour à tous, bon dia tots, hi folks,
Short abstract for our english speaking friends : The days after crossing Cape Horn, we returned to Beagle channel, meeting pingouins and shrecked boats. Stopping in Puerto Williams (which does not look like the capital of the southernmost province of Chile… which it is !) we enjoyed the legendary Club House inside the old Micalvi ship. End of the cruise in Ushuaia having drinks and meals in the very old and typical « Ramos generales ». Finally, we went north of Chile with Navimag ferry across the Pacific Patagonian channels. As a last picture, enjoy a Magellan gull flying with Tierra del Fuego mountains in the background. Next « Bouteillàlamer » for our next navigation. When and where ? Who knows ?
Après les émotions du passage du Cap Horn et un mouillage tranquille dans la caleta Martial, nous avons repris la route vers le canal de Beagle et Puerto Williams. Sur notre tribord on aperçoit les îlots Barnavelt, Evout et Nueva pour la possession desquels une guerre faillit avoir lieu entre le Chili et l‘Argentine. Guerre qui fut évitée grâce à l’intervention du pape en 1974, ce qui prouve qu’un pape peut aussi être utile ! Plus au nord, une odeur pestilentielle d’excréments entoure peu à peu Le Boulard. Peu après, on aperçoit un îlot où séjournent des phoques et des cormorans .
Il est couvert d’une épaisse couche blanche. C’est du guano, c’est à dire des excréments décomposés. Comme les galères au XVIIIème siècle, on sent les îlots à guano avant de les voir. L’îlot que nous croisons accueille une belle colonie de phoques qu’on appelle ici « lobos de mar » mais ce sont les excréments des cormorans qui constituent le guano. C’est ce guano qui fournit un engrais naturel de grande qualité et qui fut, avant l’apparition des engrais chimiques artificiels, une des richesses de la Patagonie.
Ce matin, le Boulard retrouve le canal de Beagle que traversent des colonies de manchots .
Plus loin, se profile un cargo échoué .
Malgré les progrès des aides à la navigation, le canal de Beagle reste encore dangereux et nous verrons ailleurs d’autres navires échoués.
Notre destination : Puerto Williams. Nous y sommes déjà passés pour faire les formalités d’entrée au Chili, nous nous y rendons maintenant pour les formalités de sortie avant de rejoindre Ushuaia, terme de notre croisière.
Puerto Williams (au Chili, donc), revendique le titre de ville la plus au sud au monde, ce que contestent, bien entendu, les habitants de Ushuaia (en Argentine, donc) qui rappellent que Puerto Williams n’est pas une ville, car comptant moins de 5’000 habitants ! En tout cas, nul ne peut contester à Puerto Williams le titre de capitale provinciale la plus australe au monde car c’est la capitale de la province de « Cabo de Hornos y Antartida Chilena ». Et de fait quand on regarde à quoi ressemble Puerto Williams on ne doute pas un instant qu’il s’agit de la capitale d’un territoire bien plus grand que la France !
Mais, surtout pour les marins, à Puerto Williams il y a un lieu mythique : le Micalvi. Tous ceux qui, comme nous, ont rêvé en lisant le récit de navigateurs ayant bourlingué dans ces parages savent ce qu’est le Micalvi. Tout simplement le bar (mieux: le « club house ») le plus austral au monde. Dans les années 1920 un vieux et petit cargo allemand vint livrer des marchandises au Chili. Une fois celles-ci débarquées, on envoya à l’armateur allemand un télégramme demandant ce qu’il convenait de faire du cargo. La réponse fut lapidaire : « C’était une livraison avec emballage non consigné, vous pouvez garder le cargo » ! Celui-ci fut baptisé du nom de Micalvi et servit encore pendant de nombreuses années en cabotant le long des côtes de Patagonie. Quand, enfin, dans les années 1950, pour lui l’heure de la retraite eut sonné, les autorités eurent la riche idée de l’échouer dans un petit fjord à l’ouest de Puerto Williams de façon à ce qu’il serve de ponton aux voiliers de passage. Et il continue à assumer cette noble tâche !
L’intérieur du Micalvi a été aménagé de façon à offrir douches et sanitaires mais, surtout, son carré et son poste de commandement fournissent deux superbes salons pour le repos des équipages en escale. Ils sont maintenant décorés des pavillons et fanions de tous les bateaux qui sont passés par là et on peut y trouver la signature des navigateurs les plus fameux .
Le carré, en particulier, était réputé, non seulement pour les boissons de son bar, mais aussi pour les conversations passionnées entre « voileux ». Malheureusement, maintenant le bar est fermé et les voileux ne discutent plus qu’avec leur iPhone ou iPad !
Une très intéressante visite au petit musée local (qui porte le nom de Martin Gusinde, un anthropologue autrichien qui consacra sa vie aux indigènes de Patagonie) mais d’où l’on ressort révolté par le génocide dont ils furent l’objet, et il est temps de lâcher les amarres pour retrouver Ushuaia.
Le temps est ensoleillé et une douce brise pousse Le Boulard vers l’ouest, ce que Jean-Louis a l’air d’apprécier particulièrement tandis que Joseph, en bas, est de corvée de patates car, comme il est dit dans « Les tontons flingueurs » : « les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse » .
C’est la fin de la croisière.
Le Boulard a regagné son quai à Ushuaia .
Les mines réjouies d’Isabelle et Benoît montrent bien à quel point cette navigation a comblé tous nos vœux. À Ushuaia, c’est dans un autre bar-pâtisserie mythique où se retrouvent les voileux et routards de passage, le « Ramos generales », que nous nous retrouvons une dernière fois pour dire au revoir à notre skipper Estelle. « Ramos generales » est un endroit très chaleureux, décoré d’un fouillis de vieux objets incroyables .
Le décor est merveilleux mais, aussi, son choix de bières et de vins est remarquable et ses pâtisseries délicieuses. Nous y sommes allés six fois en deux jours ! Un endroit qui vaut le déplacement, malgré les 15’000km qui le séparent de l’Europe !
Fin de croisière sur Le Boulard mais pas tout à fait la fin de nos navigations. En effet, après avoir visité la région des glaciers en Argentine et les Torres del Paine au Chili, nous avons embarqué à Puerto Natales sur le ferry côtier « Eden » de Navimag pour rejoindre en trois jours et quatre nuits Puerto Montt au nord de l’île de Chiloé, île d’origine de la pomme de terre et du grand écrivain chilien Francisco Coloane. Superbe navigation dans les canaux de la côte ouest de la Patagonie avec, parfois des passages réellement délicats comme, ici ou le ferry de 25m de large va se faufiler dans le passage de 45m de large (« estrecho White ») qui sépare les deux îles à droite de la photo .
Une dernière image pour résumer les moments exceptionnels que nous avons vécus, une image de liberté avec le vol de cette mouette de Magellan sur fonds des montagnes de la Terre de Feu .
À tous on vous souhaite de vivre aussi de tels moments.
Isabelle et Joseph